La crise du Covid-19 possède le mérite de faire vaciller des certitudes établies, de questionner les discours dominants, de rappeler les décideurs à leur devoir d’humilité. Elle conduit également à reconsidérer les chaînes de valeur, les apports des uns et des autres. Elle a vu aussi une remarquable mobilisation des établissements d’enseignement supérieur et de recherche pour assurer au pied levé, dans des conditions difficiles, la continuité de leurs missions académiques, la préservation de leurs personnels, le soutien des étudiants en difficulté. Et aussi pour venir en aide aux hôpitaux, Ehpad et préfectures par des dons de matériel et un apport de volontaires, tout en participant activement aux recherches sur le virus. En toute discrétion, ils
auront tenu une place remarquée et appréciée sur leur territoire.
Le temps est venu de se réinventer, comme l’a appelé de ses vœux le Président de la République, et notamment de réfléchir à une reconstruction avisée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Notre responsabilité au regard de nos communautés et de la Nation commande de nous exprimer pour éviter le retour à l’action publique illusoire qui prévalait avant la crise. Les
spécialistes français de la santé n’ont pas été en mesure d’influencer la politique publique de préparation à la menace. Ce n’est que lorsque le risque s’est transformé en un péril majeur qu’ils ont été convoqués et écoutés. L’université reste fille de temps de crise. Mais il ne faut pas l’abandonner ensuite. L’État doit réévaluer la place de la science et de sa diffusion, de
l’université et des universitaires. Connaissance, reconnaissance et respectabilité vont de pair.
C’est un des principaux défis des temps qui s’ouvrent, que l’on a refusé de prendre réellement en compte jusque-là.
Les établissements d’enseignement supérieur et de recherche français, en majorité mal dotés en longue durée du fait d’une politique de concentration de moyens insuffisants, fondée sur des indicateurs partiels et partiaux, n’avaient pas les moyens de faire face convenablement à la crise. Ils doivent maintenant se repenser sur un nouveau modèle organisationnel fondé sur une hybridation entre travail en présentiel et en distanciel ainsi qu’une rénovation en profondeur de leur patrimoine immobilier et de leur politique de mobilité qui participent à la décarbonation des activités. La vision de la recherche et de la formation qu’ils développent nécessite aussi un aggiornamento : nécessairement du meilleur niveau, toutes deux doivent conserver un large
spectre, la crise ayant montré les ravages de l’abandon de certains domaines, tout en faisant une plus large place aux transitions de toutes natures en cours.
Enfin, la sortie de crise doit prendre en compte à la fois les apports de la proximité qui ont été démontrés ainsi que l’impérative présence française à l’international, faute de quoi une nouvelle étape du basculement du monde
en défaveur de la France et de l’Europe sera engagée.
Ainsi, la crise aura montré l’intérêt d’un maillage dense, diversifié et complémentaire, un réseau de confiance et de compétences, d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche soucieux de ses responsabilités sur tout le territoire. Localement, ils ont été des leviers de la mobilisation qui aura permis aux services publics du pays de faire face. Dans une vision nationale, ils ont apporté leur aide aux régions en difficulté : les malades de l’Est et de la région parisienne ont bénéficié des centres hospitaliers en région, tous en lien avec les universités.
La France gagnerait à se réconcilier avec ses territoires et ses universités, abandonner ses tentations récurrentes, voire obsessionnelles, de concentration, de spécialisation excessive et d’élitisme mal fondé. La France gagnerait à accepter de promouvoir et soutenir une différenciation ambitieuse en faveur de ses établissements d’enseignement supérieur et de recherche. C’est le sens de l’action que l’Alliance des universités de recherche et de formation (AUREF) conduit depuis plusieurs années.
Dans un orchestre, tous les instruments sont nécessaires pour réaliser la partition. Il n’y a pas davantage d’universités superflues si, au lieu de minoriser l’impact des unes et de majorer celui des autres, on s’attache à toutes les valoriser et les renforcer pour relever les défis de l’efficience, de la simplification, de l’autonomisation. Toutes doivent être encouragées à
devenir chaque année plus performantes tant en formation qu’en recherche et en valorisation avec leurs partenaires socio-économiques. Toutes participent au développement, à la réussite et à la résilience de notre pays. Toutes apporteront leur pierre à sa reconstruction.
Les orientations du plan de relance et du PIA 4 seront donc lourdes de conséquences. Gagner la guerre contre une pandémie est une chose. Il est encore plus difficile de réussir la paix, qui nécessite de se penser dans un temps long. L’État ne devra pas oublier, une fois encore, ses universités dans la politique de reconstruction qui s’annonce. C’est avec une jeunesse bien
formée et une société plus avertie que se relèveront les défis à venir qui seront sanitaires, climatiques et technologiques tout autant que citoyens, éthiques et politiques.
Joël ALEXANDRE, Président, Université de Rouen Normandie
Annick ALLAIGRE, Présidente, Université de Paris 8 Vincennes – Saint-Denis
Mohamed AMARA, Président Université de Pau et des Pays de l’Adour
Abdelhakim ARTIBA, Président, Université Polytechnique Hauts-de-France
Mohammed BENLAHSEN, Président, Université de Picardie Jules-Verne (Amiens)
Ary BRUAND, Président, Université d’Orléans
Alain CELERIER, Président, Université de Limoges
Olivier DAVID, Président, Université de Rennes 2
Pierre DENISE, Président, Université de Caen Normandie
Nathalie DOMPNIER, Présidente, Université Lumière Lyon 2
Rachid EL GUERJOUMA, Président, Université du Mans
Philippe ELLERKAMP, Président, Avignon Université
Christelle FARENC, Directrice, Institut national universitaire Champollion (Albi)
Christine GANGLOFF-ZIEGLER, Présidente, Université de Haute-Alsace (Mulhouse)
Guillaume GELLE, Président, Université de Reims Champagne-Ardenne
Patrick GILLI, Président, Université Paul-Valéry Montpellier 3
Yves JEAN, Président, Université de Poitiers
Xavier LEROUX, Président, Université de Toulon
Pasquale MAMMONE, Président, Université d’Artois (Arras)
Jean-Marc OGIER, Président, Université de La Rochelle
Jean PEETERS, Président, Université de Bretagne Sud (Lorient)
Antoine PRIMEROSE, Président, Université de Guyane
Xavier PY, Président, Université de Perpignan Via Domitia
Pascal REGHEM, Président, Université Le Havre Normandie
Christian ROBLEDO, Président, Université d’Angers
Benoit ROIG, Président, Université de Nîmes
Aurélien SIRI, Directeur, Centre universitaire de Mayotte
Denis VARASCHIN, Président, Université Savoie Mont Blanc (Chambéry)
Hélène VELASCO-GRACIET, Administratrice provisoire, Université Bordeaux-Montaigne.
Philippe VENDRIX, Président, Université de Tours