Lettre ouverte à Madame la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

Financement de l'Université

Madame la Ministre,

Veuillez, en premier lieu, recevoir nos plus sincères félicitations pour votre nomination par la Première ministre, au poste de ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Par cette lettre, nous souhaitons vous interpeller sur l’avenir de l’enseignement supérieur et vous présenter les orientations que l’AUREF entend défendre et soutenir.
Durant votre ministère, nous espérons que l’enseignement supérieur saura retrouver la place qui lui revient, celle d’un service public ambitieux qui conjugue réussite et qualité de formation, une formation étayée par une recherche riche, diverse et reconnue. À ce titre, nous vous présentons nos ambitions pour l’enseignement supérieur pour les cinq ans à venir.
En premier lieu nous souhaitons que vous vous continuiez à garantir l’unité de formation et de recherche pour toutes les universités. Nous sommes convaincus que l’un nourrit l’autre et les séparer ne pourrait que conduire à un affaiblissement de l’enseignement supérieur en France.
Nous demandons aussi que votre ministère soit celui d’une profonde réforme quant au rôle que jouent les nombreux appels à projet dans le financement des universités. Ainsi, si les AAP peuvent avoir leur pertinence sur certains sujets, leur multiplication est délétère, notamment lorsqu’ils touchent aux missions fondamentales de service public que sont la formation, la recherche, l’insertion professionnelle et la vie étudiante. Ce mode de financement différencié et concurrentiel entraine un creusement entre les établissements de l’ESR et les place dans une forme de compétition stérile.

Les universités membres de l’AUREF assument un rôle majeur pour les territoires sur lesquels elles sont implantées. Toutefois, nous alertons sur la place que pourrait revêtir une contractualisation croisée dans le cadre des contrats quinquennaux entre l’état, l’université et les collectivités locales. Partout où les collectivités agissent comme un levier supplémentaire pour le financement de l’ESR, en cohérence avec leur propre Schéma stratégique de l’ESRI et les objectifs de l’université, l’idée doit être poursuivie, mais le premier financeur de l’ESR est et doit rester l’Etat, garantissant ainsi une équité
territoriale associée aux missions de service public que remplissent les universités. Les collectivités ne peuvent devenir les financeurs de ce que l’état se refuserait à financer.

Nous sommes, à ce titre, conscients du rôle particulier des collectivités des territoires extra métropolitains dans le financement de leurs Universités. Nous alertons cependant sur le risque d’un effet de substitution ou les collectivités territoriales métropolitaines remplaceraient la dotation ministérielle du MESR.

Nous vous appelons aussi, Madame la Ministre, à rétablir l’égalité entre tous les établissements de l’enseignement supérieur. Nous reconnaissons l’intérêt de la différenciation des universités quand cette dernière s’appuie sur des forces en matière de formation et de recherche spécifiques en cohérence avec la stratégie de l’établissement. Cependant, nous n’accepterons pas que cette différenciation de la formation et de la recherche amène à une catégorisation des établissements qui en pousserait certains à se considérer comme des établissements de recherche, tandis que d’autres ne deviendraient que des centres de formations de second rang, confinés à l’accueil d’étudiants de premier cycle. Nous rappelons que la grande richesse de l’université est que la formation qui y est prodiguée s’appuie sur la recherche et que cette recherche irrigue par conséquent les territoires, quels qu’ils soient. La secondarisation de certaines universités serait, à plus d’un titre, contreproductive.
Soyons ainsi conscients de l’utilité essentielle de nos universités réparties sur l’ensemble du territoire national et de la nécessité de leur faire confiance par un accroissement des moyens SCSP. L’ensemble des études montre qu’ un accroissement du financement pérenne de l’enseignement supérieur produit des effets durables en termes de développement et de croissance.

Nous souhaitons ainsi une politique volontariste quant au devenir des universités. Ce mandat doit être celui qui amènera une réforme d’ampleur, dotée de moyens, capable de créer, en transparence avec la communauté, un cap ambitieux pour les universités dans les années à venir.
Cette ambition doit répondre au dramatique décrochage de l’encadrement universitaire et de la SCSP par étudiant ainsi qu’aux écarts de dotation qui varient du simple au double et des écarts de taux d’encadrement qui varient du simple au triple entre nos universités. Elle doit se traduire par une meilleure allocation des moyens, une politique de recrutement d’ampleur. À ce titre, il nous semble nécessaire de déployer une loi de programmation pluriannuelle de financement de l’enseignement supérieur ambitieuse, appuyée sur un réel dialogue stratégique et de gestion entre les universités et le ministère. Des efforts ont été faits sur la recherche, mais penser que cette dernière
pourra durablement être soutenue en la dissociant de la formation est une profonde erreur. La recherche en France est menée en très grande majorité dans les universités.
Ces dernières assument aussi une charge de service public de formation supérieure. Aujourd’hui, cette dernière souffre massivement d’un manque de moyens, malgré les efforts importants faits par les universités pour développer leurs ressources propres.
Cette carence rejaillira à terme sur la qualité de la recherche.

Sur tous ces points, nous vous appelons à la vigilance, au volontarisme, ainsi qu’au dialogue pour enfin donner à l’Université les moyens d’ambitions partagés. Nous y sommes prêts et nous serons là afin de poursuivre, durant votre ministère, ce dialogue sincère et exigeant.

Respectueusement,

Les membres de l’Alliance des Universités de recherche et de formation (AUREF)